Dans L’entretien des Muses, Philippe Jaccottet ébauche un catalogue des merveilles de Francis Ponge :
« Les herbes : fines et nues, toujours d’humeur froide (1927).
Le nuage : tout un bloc de cristaux plumeux (1938).
La crevette : monstre de circonspection, lustre de la confusion (marine) (1926-1934).
Le gui : sorte de mimosa nordique, de mimosa des brouillards (1941).
L’anthracite : le pouvoir de flamber durablement enfoui au sol (1941).
Le cheval : le chiffon aux lèvres, le plumeau aux fesses, la clef dans la serrure des naseaux (1948-1951).
Le noyau de l’abricot : comme un soleil sous l’éclipse à travers un verre fumé, il jette feux et flammes (1955-1957).
La fleur : la fleur est l’ange aux ailes pointues, annonciateur de la prochaine sphéricité : le fruit (1960). »
Plus loin, P. Jaccottet ajoute :
« […] je citerais volontiers la page qu’il écrivit le 22 décembre 1947 à Sidi-Madani : mais autant en extraire quelques lignes seulement, et renvoyer le lecteur à toute la riche forêt du Grand Recueil, debout contre le vent des idées.…
… C’est de plain-pied que je voudrais qu’on entre dans ce que j’écris. Qu’on s’y trouve à l’aise. Qu’on y trouve tout simple. Qu’on y circule aisément, comme dans une révélation, soit, mais aussi simple que l’habitude. Qu’on y bénéficie du climat de l’évidence : de sa lumière, température, de son harmonie.…
… Et cependant que tout y soit neuf, inouï : uniment éclairé, un nouveau matin.
Beaucoup de paroles simples n’ont pas été dites encore.
Le plus simple n’a pas été dit.
Pendant un court instant ce soir, cette petite fenêtre, une lucarne plutôt à vrai dire, qui troue le mur perpendiculaire à l’immense baie vitrée devant laquelle nous aimons tant à nous asseoir,
cette lucarne fut comme un citron vert, entièrement éclairé.
Chaque citron vert est-il donc comme une fenêtre ?
Au crépuscule le ciel mûrit vite… »
Dans l’archive qui suit, c’est un Francis Ponge détendu que l’on découvre dans le jardin de sa propriété de Bar-sur-Loup, en Provence. Il participe, au début du mois de septembre 1971, au tournage d’un numéro d’Archives du XXe siècle.
Francis Ponge, 72 ans, est interrogé par Pierre Mignot qui dans cet extrait, veut percer le mystère de cette idée si originale que le poète a eue de donner une existence littéraire aux choses. Francis Ponge énonce ce qu’il en est de son credo artistique.
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